Achilles Cools — L’homme qui devint oiseau
- agnesfayet
- 25 oct.
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Chez Achilles Cools, l’art n’est pas un métier mais une manière d’habiter le monde. Peintre, sculpteur, graveur et écrivain, il explore depuis plus d’un demi-siècle les relations entre l’humain et le vivant, dans une œuvre où la frontière entre observation scientifique et expérience poétique s’efface.
La nature est son langage
Tout commence par un regard : celui porté sur le choucas des tours (kauw). L’oiseau n’est pas motif, mais interlocuteur. Depuis son atelier de Grobbendonk, dans la province d’Anvers, en Belgique, Cools interroge la société des oiseaux pour comprendre la nôtre. Ses formes sculptées, faites de bois, de pierre ou de bronze, incarnent la respiration du vivant. Elles évoquent la symbiose plutôt que la séparation — une esthétique du lien.

L’art comme éthologie
Cools ne reproduit pas la nature : il la traduit. En adoptant la posture de l’observateur engagé, il développe une « éthique du regard » où l’artiste devient médiateur entre les espèces. Cette démarche s’apparente à une zoopoétique, un champ des possibles où l'art, la science et la philosophie se rejoignent pour penser la cohabitation du vivant. L'oeuvre de Cools se nourrit de la précision du naturaliste et de la liberté du poète. Chaque gravure, chaque sculpture, chaque peinture ouvre un dialogue entre le visible et l’invisible.
L’écriture, prolongement du geste
Écrivain autant que plasticien, Cools fait du texte un prolongement de la sculpture et de la peinture. Ses romans, essais et poèmes creusent les mêmes thèmes : l’identité, la nature, la mémoire du monde. Le verbe devient matière ; le mot, sculpture sonore. Ainsi, dans l’ensemble de son œuvre, penser et façonner participent d’un même mouvement : comprendre le vivant en s’y intégrant.

Un art de la résonance
Dans un monde où la nature tend à disparaître de nos horizons, l’œuvre d’Achilles Cools agit comme une résistance silencieuse. Elle nous rappelle que l’homme ne se situe pas au-dessus du vivant, mais au milieu de lui. Avec le regard du choucas, il nous apprend à voir autrement : à écouter, à coexister, à ressentir et traduire le souffle du monde.
Biographie rapide
Achilles Cools (né en 1949 à Grobbendonk, Belgique) est peintre, sculpteur, graveur et écrivain. Diplômé de l’Académie royale des Beaux-Arts d’Anvers, il expose depuis les années 1970 en Belgique et à l’étranger. Son œuvre interroge la relation entre nature, science et humanité à travers une pratique transdisciplinaire. Il vit et travaille à Grobbendonk.
Bibliographie sélective
Cools, Achilles. De Kauw. Over de intelligentie van een vogel. Lannoo, 2001.
Cools, Achilles. De Kauw en ik. Lannoo, 2005.
Cools, Achilles. De Kraaienboom. Davidsfonds, 2009.
Cools, Achilles. Het hart van de kraai. Polis, 2016.
Cools, Achilles. De Kauwentuin. Atlas, 1999.
Articles et entretiens dans Natuurpunt Magazine, De Standaard, Knack Kunst (2008–2024).
Stalmans, Jan. Achilles Cools. Lannoo, 2000.
Recension des principaux ouvrages d'Achilles Cools
1983 / 1984 — Weldadige regen (poésie)
Kempische Boekhandel.
Recueil de poèmes illustrés par l’auteur, où la sensibilité paysanne et l’observation naturaliste se mêlent à une attention au détail formel — première parution qui pose déjà les thèmes de la nature et du regard.
1987 — Sterreschot (poésie)
Hadewijch (Anvers).
Deuxième recueil de poésie, marqué par des images naturalistes et des dessins de l’auteur ; combine lyrisme et souci pour les modalités visuelles du monde.
1992 — Kauwen in de spiegel (essai)
Lannoo (première édition).
Essai-enquête autour du choucas des tours : Cools vit et observe une colonie, décrit comportements, dialectes et personnalités, et renvoie ces observations comme un miroir sur la condition humaine. Ouvrage clé qui ancre durablement la figure du choucas dans son œuvre.
1999 — De kauwentuin (prose)
Atlas.
Livre long (essai/prose) de réflexions et de chroniques sur les oiseaux et leurs relations aux humains ; compositions mêlant anecdotes de terrain, méditations naturalistes et considérations morales sur la cohabitation entre espèces.
2002 / 2003 — Vlaamse Gaaien (prose, nouvelles)
Atlas.
Recueil de récits où humains et animaux (notamment corvidés) apparaissent comme des personnalités à part entière ; textes courts qui transforment de petites scènes naturelles en fables contemporaines.
2005 — Uitgebroed (prose, journal)
Atlas.
« Journal du sculpteur » : notes, observations quotidiennes et dessins — un livre de travail qui documente la pratique artistique comme processus d’attention au monde vivant.
2010 — Vleugels (chroniques)
Atlas.
Recueil de courts textes/chroniques centrés sur les oiseaux et la vie des réserves (notamment De Liereman) : prose contemplative, mêlant descriptions de terrain et réflexions philosophiques sur la vision naturelle.
2014 — De kauw (essai)
Atlas Contact (réédition).
Synthèse et version repensée de sa longue méditation sur le choucas : accessible et illustrée, le livre réaffirme l’intelligence sociale des corvidés et la nécessité d’un regard empathique envers les autres espèces.
2016 — De goudvink
Atlas-Contact.
Focus naturaliste et narratif sur le pinson (goudvink) ; description de comportements de nidification et de territorialité, assortie de dessins et d’un texte qui met en relation observation et poésie.
2020 — De Liereman (roman / récit)
Atlanta.
Roman qui prend pour décor la réserve naturelle De Liereman — récit mélancolique et engagé sur la perte des paysages, la mémoire du lieu et la vulnérabilité humaine face à l’effondrement écologique ; mêle autofiction, naturalisme et réflexion socio-politique.
2021 — Mijn – Mieren – Hoop (nature / observations)
Noordboek.
Carnet d’observations consacré aux fourmis (bosmieren) trouvées dans le jardin de l’auteur — enquête naturaliste enrichie de dessins et de notes comparatives qui font du nid un « super-organisme » à lire comme le miroir des sociétés humaines.
2023 — De veren van de pronkvogel. Schoonheid en seksuele selectie
Noordboek.
Récit et essai de voyage aux îles de Papouasie-Nouvelle-Guinée occidentale, centré sur les oiseaux de Paradis et la question du rôle de la « beauté » et de la sélection sexuelle dans l’évolution — mélange d’observations sur place, de réflexion théorique et d’analogie artistique.


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